Rencontre avec un randonneur de l'extrême


Pierrick, 32 ans, a décidé de consacrer son mois de juillet (du 1er juillet au 28 juillet) à faire une randonnée. Et pas n'importe quelle randonnée, puisqu'il s'agit de la mythique "traversée des Alpes", qui est en réalité une partie d'un tronçon du GR5


C'est donc ce premier juillet que Pierrick a décidé, pendant un mois complet, d’effectuer cette « Grande traversée des Alpes », de Thonons-les-Bains à Sospel. Un périple de plus de 550km, traversant pas moins de trois parcs (Vanoise, Queyras et Mercantour) ainsi que de nombreuses réserves naturelles, riches en faunes et en flores.



Comment s'organiser pour une telle aventure ? En d'autres termes, comment se donner les moyens de réaliser son défi en termes pratiques ? On sait tous l'importance de se donner des risques, de se challenger. Mais, en pratique, cela se révèle toujours plus complexe qu'au premier abord. C'est pour nous renseigner à ce sujet que Pierrick nous apporte son témoignage aujourd'hui. Interview.

– Quel a été ton projet de départ, qu'est-ce qui a motivé ce projet ?

Au début mon projet était de faire une coupure d'un mois entre le monde salarié et ma nouvelle vie en tant que pro-créateur d'entreprise. J'ai toujours aimé les défis et j'ai toujours été inspiré par Mike HornJe voulais me détacher du monde hyper connecté et profiter de la randonnée et de la nature. Ça fait longtemps que j'y pensais. J’aime aussi beaucoup les périples et les défis endurants, ça m'aide à réfléchir. J'avais en projet par exemple de faire le tour de la mer noire en vélo avec mon frère. Je ne voulais pas faire le GR5 en particulier, je voulais surtout Genève-Toulon car ce trajet a une symbolique particulière pour moi : ça représente la connexion entre les 10 ans ou j'ai habité à Genève et Toulon, ma ville d’origine.





– Comment t'es-tu organisé ?

Dans ce voyage il fallait que je m'organise en fonction de deux choses : les autres et moi. Parce que oui j'ai proposé à des membres de ma famille et quelques amis de me rejoindre s'ils le souhaitaient. Donc il fallait que, pendant ma préparation, je définisse un programme qui me satisfasse et qui puisse aussi convenir à tout le monde, un programme qui les séduisent. Pour cela j'ai coupé le parcours global en 5 tronçons de 5 jours chacun.  


Comme ça les gens pouvaient choisir de me rejoindre pour 1 tronçon (ou plus), puis de repartir en blabla car ou en train. J'ai aussi bien indiqué quel était le niveau des tronçons en termes de difficultés et du niveau du randonneur et de leurs vitesses (débutant, initié et confirmé), car il faut s’adapter au plus lent.  


Quant à moi, je n'étais jamais parti en randonnée un mois entier comme ça, après j'étais conscient de ce dont j'étais capable. Donc ma préparation, c'était surtout de pouvoir être prêt pour l'imprévu : et ça ça m'a obligé à faire l'inventaire de tout ce que je devais amener dans mon sac pour pouvoir gérer l'imprévu (k-way, chargeur solaire,...). 


Une autre étape de préparation très importante concerne toutes les paperasses administratives qu'il faut  effectuer pour pouvoir s'absenter pendant un mois.

– Comment t'es tu renseigné ? Quelles ont été les différentes étapes de préparation de ton voyage ?

D'abord je suis allé sur le site moveyouralps.com qui est une mine d’information en ce qui concerne l’itinéraire, les refuges, les étapes à effectuer avant de partir, etc.. Puis je suis allé sur le site de la fédération française de randonnée : https://www.ffrandonnee.fr/ et finalement sur le site internet du GR5 : http://www.gr5.fr/gr5/index.html. Dans le cas où j'ai choisi une autonomie complète, c’est-à-dire de ne dépendre que de moi-même particulièrement en termes de nourriture, je me suis renseigné sur le type d’alimentation, sur les besoins nutritionnels nécessaires. J'avais au départ prévu de m'arrêter dans les bivouacs (ndlr : campings sans possibilité de se nourrir). J’avais également acheté une batterie solaire que je mettais sur mon sac la journée et qui me permettait de recharger mes appareils le soir (montre GPS, téléphone, caméra, etc..). Enfin, je me suis procuré l’ensemble des cartes IGN (Institut Géographique National)  du trajet, précises à 1/125 millième, pour pouvoir m’adapter au chemin et m’orienter de manière claire et précise. Je n'avais pas initialement prévu d'aller dans les refuges. Au départ je comptais camper tous les soirs. Mais j'avais prévu la somme nécessaire si on se rabattait en refuge, par exemple en cas de mauvais temps.

– Est-ce que des gens t'ont accompagné pendant ton périple ? Si oui, combien de temps ?

Oui, 4 groupes de personnes. Au début de la randonnée ma soeur 5 jours, puis un associé pendant 3 jours, ensuite j'ai été en solo 3 jours puis j'ai été rejoins par mon frère, ma cousine et son compagnon pendant 3 jours, et enfin j'ai continué avec mon frère pendant 14 jours jusqu'à la fin. Il a fallu se donner de la marge pendant les points de rendez vous et choisir ceux-ci en fonction de l'accessibilité des endroits, notamment en train et en covoiturage; et ça c'est à prévoir lors de la planification du voyage.

– As-tu préféré voyager seul ou accompagné ?

J'ai préféré voyagé accompagné. On partage les choses simple de la journée : la pause, le petit-déjeuner, l'apéro mais on partage aussi les anecdotes des parcours : lorsqu’on voit des animaux, qu’on arrive à un col, etc.. Mais aussi les moments moins rigolos, comme la fois où on s’est fait poursuivre par une horde de mouche avec mon frère (rires) 



– Qu'est-ce que tu as le plus préféré ?

Les arrivées aux cols : à chaque fois on découvre une nouvelle vallée. Ce qui m’a particulièrement plu à ce moment là c'est que chaque col correspondait à un objectif de  la journée ou à un objectif du parcours global. Donc l’atteinte d’un col représentait systématiquement l’atteinte d’un objectif et, mentalement, c’est important de réaliser qu’on réussit des étapes petit à petit, on y voit plus clair et c’est très encourageant pour la suite.  Donc l’arrivée à un col représente un but atteint mais aussi et surtout la curiosité de voir ce qu’il se cache derrière : nouvelle végétation, nouvelle rivière, faune et flore complètement différentes, etc… 



– Si c'était à refaire que  changerais-tu ? Quel conseil donnerais-tu à ceux qui veulent se lancer ?

En priorité numéro un, je dirai qu’il faut absolument optimiser le poids du sac à dos. Au début quand on remplit son sac on ne réalise pas forcément qu’il va être sur notre dos pendant toute la journée. Que toutes les montées, les descentes, les passages périlleux… vont s’effectuer avec le sac. Donc il est vraiment primordial qu’il soit le plus léger possible. Pour prendre mon exemple : je suis parti avec un sac de 27 kilos et j'ai fini avec 13 kilos ! donc la prochaine fois que je ferais une randonnée, je n'amènerai pas de nourriture et mangerai dans les refuges tous les soirs. par contre j’amènerai une tente de 1 a 2 kg car j'adore bivouaquer tous les soirs.


– Quel était ton budget global journalier ?

S on choisit de voyager en autonomie complète, il faut compter en moyenne moins de 10 euros par jour, si on préfère une autonomie complète mais avec camping le soir ça revient environ à 15 euros par jours et enfin, comme moi, si on choisit la solution du refuge en demi-pension on en a pour à peu près pour 40 euros par jour.


-  Comment faisais-tu pour te nourrir le midi ? 

Je mangeais surtout des fruits secs, ils sont en effet très important au niveau de l’apport énergétique. Au début je faisais un repas tous les midis où je mangeais charcuterie et  fromage mais en fait c'était trop lourd…  Donc après j’ai changé de rythme : je faisais une pause environ toutes les deux heures pour manger des fruits secs et pour boire beaucoup d’eau. Mes vrais repas étaient donc le matin, où je prenais un bon petit-déjeuner, et le soir, où je mangeais un bon repas en refuge.

– Où t'es tu arrêté le soir ? Qu'as-tu pensé des refuges ? Lesquels recommanderai -tu particulièrement ? 

Je me suis presque systématiquement arrêté en refuge lors de cette randonnée. Je n’ai effectué que deux ou trois nuits en camping. Si c'était à refaire je dormirai en tente mais je mangerai en refuge. En faisant ça on passe d’un budget de 40 euros à un budget de 20 euros par jour, ce qui n’est pas négligeable. Tous les refuges étaient bien, mais ils n'ont pas les mêmes contraintes. Par exemple, certains ont accès à la route et donc peuvent facilement se procurer tout type de nourriture, alors que d’autres ne sont accessibles que par hélicoptère. Or, les tarifs étaient les mêmes partout. Je dirai que mon refuge « coup de coeur » était le refuge du Chambeyron, qui était à 2600m d’altitude.  




Ce qui m'a plu ici, c'est pas forcément la nourriture en particulier, mais la vision globale du refuge quand on arrive, le cadre. Le fait que même en étant a +2600m, ils étaient très engagés dans une démarche locale bio-éthique. L’équipe était jeune, engagée et très sympathique. Après d'autres refuges étaient très bien. J'avais regardé les refuges en avance sur moveyouralps.com mais au final ils sont indiqués sur les cartes et donc j’allais au refuge qui correspondait à mon trajet. Je n'ai jamais réservé ni planifié de réserver à l'avance les refuges. Certains randonneurs réservent 6 mois à l'avance leurs escales. Moi je n'ai pas eu de problèmes mais on était en début de saison. Je pense que si on arrive vers 16h on a plus de chance de trouver une place sans réserver.

– Quel bilan humain as-tu retiré de cette aventure ? Quelles rencontres as-tu fais ? 

Je n’ai rencontré que des gens sympas. Les randonneurs sont en général des gens avec des bonnes valeurs. Par exemple, je n’ai du voir que deux déchets en un mois de randonnée : une peau de banane et un emballage. Quand j’étais plus jeune il me semble qu’il y en avait beaucoup plus sur les chemins de randonnée que maintenant et je trouve ça positif. Donc un bilan humain très riche et positif.

– Le mot de la fin ? Quand on veut on peut. 





Et vous ? Tenteriez-vous l’aventure ? 

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